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Photo du rédacteurJane

Quand les efforts sont banalisés car le trouble est invisible

« Pourtant, il n’a pas l’air dyspraxique ». Cette phrase, je l’ai entendue trop souvent. La dyspraxie est un trouble neurologique invisible. Donc, qui ne se voit pas. Mon enfant n’a pas le mot "dyspraxie" inscrit dans le front. Mon fils est aussi assez intelligent pour reconnaître les activités qui sont plus difficiles pour lui. Alors, d’instinct, il choisira toujours des activités dans lesquelles il se sent compétent. Nous le faisons tous. Instinctivement, nous choisirons tous nos pantoufles avant nos souliers inconfortables. Quand nous sortons de notre zone de confort, une fois de temps en temps, c'est épuisant, mais ça nous fait du bien. Un enfant dyspraxique se retrouve à en sortir plusieurs fois par jour pour effectuer des tâches aussi banales que se verser un bol de céréales.. imaginez la surcharge! Donc, c'est normal, qu'il choisisse, plus souvent qu'autrement, des situations dans lesquelles il se sent compétent pour diminuer sa charge cognitive et cela peut donner l'impression que tout va bien.


Je comprends que ces paroles se veulent bienveillantes, mais elles sont le symbole d’une incompréhension profonde de ce trouble dans la société. Quand j’entends ces paroles, je sais tout le travail qui a été fait pour arriver à donner cette impression et je souris jaune.


Cet automne, nous avons inscrit mon fils au karaté. C’est un sport individuel, donc l’enfant est en compétition contre lui-même. C’est l’activité idéale pour un enfant dyspraxique qui n’aura pas à se comparer. Est-ce facile pour autant? Oh que non! Mon fils est encore à l’âge du karaté junior. Il n’y a pas de passation de ceinture. C’est plutôt du développement moteur global et ça jette les bases pour la suite. Rapidement, nous avons amené des points collants de couleurs. Au début de chaque cours, nous mettons une couleur pour la main et le pied droit et une autre couleur pour le côté gauche. C’est facilitant pour le repérage de certains mouvements.


Vers le milieu de la session, le sensei a introduit une échelle d’agilité. Un des gros défis était de se placer sur le côté de l’échelle et d’alterner les pieds en sautant. Allo la coordination!! Mon fils ne comprenait strictement rien. Il a un sensei merveilleux qui est à l’affût des défis de notre fils sans trop savoir comment l’aider. Elle nous informe sur quoi on doit mettre l’emphase dans nos pratiques à la maison. Donc, elle nous a prêté l’échelle afin qu’on se pratique. C’était un mouvement clé dans la passation de l’examen de fin de session. C’est aussi un mouvement qui reviendra dans d’autres contextes. Puisque l’automatisation des gestes et le transfert dans d’autres situations sont des défis pour les personnes ayant une dyspraxie, c’est le moment de lui apprendre le mouvement correctement.


Armé de bas de couleurs différentes, de points de couleurs dans les espaces de l’échelle, mon fils s’est pratiqué plusieurs fois par jour tous les jours de la semaine. On a commencé par le faire sans le saut pour qu’il comprenne l’alternance des pieds. Ensuite, nous avons pratiqué le saut sur place. Finalement, nous avons mis le tout ensemble. Ouf! Un gros merci aux grands-parents qui sont très présents et qui ont beaucoup aidé dans les pratiques quotidiennes.


Vous me direz que c’est un mouvement compliqué pour un enfant de 4 ans. C’est vrai! Mais mon fils de 3 ans s’est prêté au jeu une fois. Par le temps qu’il arrive au bout de l’échelle, il avait saisi le mouvement et il était fluide. Mon plus vieux y travaillait depuis une semaine tous les jours pour arriver à un résultat similaire. Ça vous donne une idée…


La journée de l’examen, il était prêt. J’étais nerveuse. Je voulais tant qu’il réussisse ce mouvement pour son estime et sa fierté. Il était tellement bon! Je ne suis aucunement objective, mais je l’ai trouvé meilleur que d’autres enfants. Je pleurais tellement j’étais fière. Ce résultat, il l’a obtenu en démontrant une persévérance incroyable. Le produit final est la pointe de l’iceberg. Ce que les autres ne voient pas, c’est ce qui se passe sous l’eau. Tout le travail qui a été nécessaire pour y arriver.


Donc, quand une maman, remplie de bonnes intentions avec qui nous avions déjà discuté des difficultés de mon fils, m’a dit : « wow! Il n’a pas l’air dyspraxique», j’ai eu un goût amer.


La dyspraxie c’est un combat au quotidien. Ces enfants doivent travailler mille fois plus fort pour arriver au même résultat qu’un enfant neurotypique. Bien que les paroles se veulent encourageantes, ça ne fera pas disparaître le diagnostic qui a été émis à la suite de plusieurs évaluations faites par des professionnels. Ça ne diminuera pas non plus l’intensité du trouble ni les répercussions sur le quotidien. Ce qui mettrait un baume sur le cœur, qui ferait du bien à entendre, ce sont non seulement les commentaires sur le spectacle principal, mais la reconnaissance de ce qui se passe en arrière-scène.


À tous les parents d’enfants neuro-atypiques, vous effectuez un travail incroyable dans l’accompagnement de votre enfant. Je sais ce que ça implique, nous sommes dans le même bateau et nous ramons ensemble vers le même but, soit d’aider nos enfants à réussir.




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